Beaucoup reconnaîtront le graphisme ici emprunté volontairement au Rain Code (pluie de code) du mythique film MATRIX (de Lana et Andy Wachowski – 1999), celui dans lequel les héros pénètrent dans un monde parallèle, virtuel, régit par le CODE. Précurseur du monde 2.0 où nous vivons actuellement, ce film de fiction nous annonçait déjà son avènement, il y a près de 20 ans. Aujourd’hui le code est partout et rythme nos vies, les algorithmes scrutent et guident nos vies, aident à la décision. Le Big-Data est roi au point que la frontière entre réalité et virtualité s’estompe. Cette installation pointe cette mutation et rend hommage à la fiction qui toujours annonce notre future réalité.
« Pénétrez dans l’espace de la matrice et observez comment celle-ci qui vous observe… laissez la machine vous comprendre, vous numériser, vous scanner puis laissez vous embarquer dans le monde virtuel du code pour découvrir que vous existez aussi dans une seconde vie… numérique celle-ci. »
Voici la promesse que l’installation propose aux visiteurs. A l’heure de l’intelligence artificielle, nous présentons ici les entrailles d’un organisme presque vivant, tellement organique qu’il nous interroge sur la frontière qui sépare le réel du virtuel. Invisible, inodore, cette vie souterraine habite et occupe notre planète. Les milliards d’individus et d’objets connectés côtoient les milliards de milliards d’octets. Ce big data nourrit l’intelligence artificielle, les Data Center moulinent ces données sans cesse et alimentent ces organismes numériques qui grossissent inexorablement pour ne faire qu’un à l’échelle mondiale. Prendre conscience de ce qui se calcule dans ces immenses serveurs qui colonisent la planète et qui régissent déjà nos vie, c’est informer les citoyens de cette (r)évolution de notre monde 2.0 pour espérer que les décisions politiques et éthiques soient portées sur le débat public en pleine conscience afin que les citoyens n’en soient pas écartés.
A l’image du flux de données informe et non matérialisé, l’installation ne comporte pas d’architecture figée. Au contraire elle prend forme le temps d’une exposition, dans un lieu donné. C’est une façon de rendre visible à un instant T, l’activité du flux qui nous entoure, invisible à nos consciences. Nous proposons à chaque exposition d’adapter la forme qu’elle prendra, à chaque fois différente. Le Rain Code peut s’afficher sur des tours en volume, sur des murs, des façades, des vitrines. Cette contextualisation la rend encore plus surprenante car nous la souhaitons immersive, ludique dans un premier temps, pédagogique dans une seconde lecture. La médiation joue un rôle important pour dépasser la poésie et l’interactivité ludique. En expliquant comment elle fonctionne, nous amenons les visiteurs à prendre conscience des enjeux futurs pour notre civilisation.
Un dispositif génératif alimente l’installation qui réagit en temps réel. Connectée au lieu, elle récolte les datas qui circulent et en analyse les flux pour les restituer dans le Rain Code. Activité des réseaux internet, d’une ville, d’un lieu, d’un musée, d’un espace culturel, flux générés par les smartphones des visiteurs, rien ne lui échappe. Gloutonne, elle avale ces données pour les mettre en scène instantanément. Sans hacker les données, elle n’illustre que le flux, la quantité de données circulantes. Dotée de la vue, elle l’analyse des présences des visiteurs, elle capte alors les silhouettes et visages des visiteurs, les scannent insidieusement pour les engloutir dans ses entrailles et les délivrer aux visiteurs.
Cette partition visuelle et sonore peut s’afficher la nuit sur les vitrines du lieu d’exposition ou être diffusée sur un site internet en temps réel, comme un teaser qui habille un espace et annonce l’existence de La Matrice en pleine activité.
Tout comme les visuels, le son est généré en temps réel en créant une partition rythmée par le flux que La Matrice digère. En rendant audible le bouillonnement que génèrent ces flux, la partition sonore générée en temps réel ici s’inscrit dans la démarche de rendre visible (audible) ce qui échappe à nos yeux et à nos sens, donc à notre conscience.
Scénographie et développement interactif : Erik Lorré
Développement gestion sonore temps réel : Florent Colautti